Titre : Walking on the Edge
Auteur : Sayana
Base : Les Vacances de l'Amour
Commentaire : Voici ma tentative de réhabilitation de ce pauvre
Stéphane qui a un peu tendance à être mis de côté
dans les fics, comme si personne ne se souciait de lui ou qu'il ne ressentait
rien ^^.
Disclaimer : Les personnages de LVDLA appartiennent à JLA and
Co. La chanson "Walking on the Edge" est chantée par le groupe
Scorpions.
Voilà, bonne lecture !
Walking on th Edge
Welcome
to a trip
Into my hurt feelings
To the center of my soul
You better bring a light
To find the house of meanings
In the labyrinth of yes or no
Stéphane
repoussa le drap d'un geste doux et s'assit silencieusement sur le rebord du
lit. Le contact de ses pieds avec le sol relativement frais lui procura fugitivement
une sensation d'apaisement. Il ferma les yeux pour profiter de ce court répit,
mais ses tourments le reprirent aussitôt, et il poussa un soupir muet.
Ne tenant plus en place, il se leva, enfila ses tongs et se dirigea vers la
porte à pas feutrés.
Mais avant de sortir de la pièce, il se tourna vers Laly qui dormait
toujours profondément, ne paraissant pas avoir ressenti ses mouvements.
Il l'observa quelques instants, incapable de détacher ses yeux de ce
paisible visage. Elle était si jolie, et il avait tellement peu l'occasion
de pouvoir l'admirer comme il le voulait. Lorsqu'il le faisait ouvertement,
elle se mettait invariablement en colère, sans qu'il comprenne vraiment
pourquoi. En effet, quel mal y avait-il pour un homme amoureux à contempler
la femme aimée ? Cela n'avait rien de répréhensible selon
lui. Mais Laly n'était pas de cet avis et le lui faisait remarquer plutôt
rudement. Habitué au caractère si particulier de la Brésilienne,
Stéphane en était bien sûr frustré mais il n'osait
rien dire, de peur de la braquer. Et il devait se contenter le plus souvent
de ces quelques moments volés, bien trop brefs à son goût.
Stéphane soupira à nouveau à ces sombres pensées
et se décida à quitter la pièce, non sans un dernier regard
prolongé à la jeune femme, comme pour s'imprégner durablement
de cette image idyllique.
Il traversa le couloir en silence, et entrebâilla doucement la porte de
la chambre de Diego pour vérifier si tout allait bien. Le petit garçon
dormait aussi paisiblement que sa maman, un bras passé autour de sa peluche
préférée qu'il serrait affectueusement, et ne paraissait
même pas s'être aperçu de sa discrète présence.
Rassuré, le papa-poule inquiet referma la porte en veillant à
ne pas la faire grincer.
Stéphane se dirigea alors pesamment vers la cuisine, faiblement éclairée
par un pâle rayon de lune qui perçait à travers les stores
entrebâillés, et il ouvrit le frigo pour y chercher une boisson
fraîche. Après un rapide tour d'horizon, il opta tout simplement
pour du lait. Et tandis qu'il s'en versait un grand verre, il repensa avec un
sourire nostalgique à ses nuits d'enfance où réveillé
par un cauchemar, sa mère lui apportait une tasse de lait pour apaiser
ses angoisses et l'aider à se rendormir. Et malgré les années
passées, il avait toujours conservé ce réflexe enfantin,
ressentant encore sur ses cheveux la douce caresse maternelle pendant qu'il
dégustait son délicieux breuvage.
Stéphane secoua la tête pour chasser cette sensation pourtant bien
réconfortante, un peu honteux à son âge de se comporter
encore comme un petit enfant angoissé.
Mais en réalité, était-il maintenant si différent
du petit garçon timide et effacé qu'il avait été
? Ce petit garçon qui ne rêvait que d'une seule chose, s'envoler
haut, très haut dans le ciel, tel un oiseau libre et majestueux, pour
échapper à la cruauté de ses camarades qui se moquaient
inlassablement de son air chétif, et face à laquelle il était
incapable de se défendre ?
Bien des années plus tard, il avait fini par exaucer enfin son souhait
en devenant pilote, prenant les commandes de son hydravion pour oublier tous
ses soucis, volant haut, très haut, calme et solitaire dans le bleu apaisant
du ciel.
Mais à l'heure actuelle, son éternel soutien azuréen n'était
pas parvenu à lui souffler une solution acceptable. Désespéré,
il constatait amèrement que même son précieux refuge ne
lui était plus d'aucune aide, et il se sentait comme abandonné
par un ami fidèle.
Incapable de fuir ne serait-ce que mentalement, il se retrouvait irrémédiablement
seul devant tous ses problèmes qu'il croyait insolubles, obligé
de faire réellement face pour la première fois de sa vie.
For
you, life is just like chess
If you don't make the move
You'll lose the game like this
En
effet, il se trouvait confronté à un terrible dilemme qui le hantait
depuis des jours et devenait de plus en plus pesant au fil du temps : rester
auprès de Laly et supporter par amour le traitement inhumain qu'elle
lui infligeait semaines après semaines, attendant, espérant, redoutant
l'évolution qu'elle déciderait de donner à leur relation
… Ou la quitter, choisir une autre vie plus digne et moins lâche
... Vivre malheureux auprès d'une Laly versatile et distante qui semblait
parfois le mépriser froidement … Ou survivre tristement sans elle,
sans soleil et sans éclat …
L'une de ces deux attitudes était-elle réellement préférable
à l'autre ? Laquelle était la moins pire à défaut
d'être la meilleure ? Ou existait-il peut-être une autre alternative
?
Oh, bien sûr, il avait déjà tenté de fuir physiquement,
loin, très loin, le plus loin possible, rentrer à Paris pour mettre
des centaines de kilomètres entre lui et la source de toutes ses souffrances
devenues intolérables. Car il était las de tous les atermoiements
de Laly, il avait l'impression de vivre dans l'attente et le mensonge depuis
trop longtemps, et cette situation étouffante s'était avérée
être pour lui sans plus aucun espoir. La fuite était donc la solution
qu'il avait choisie, la seule qui lui semblait envisageable sur le moment.
Mais Laly l'en avait empêché, elle avait tenté de le retenir,
lui ouvrant son cœur, lui avouant son amour. C'était certes du bout
des lèvres, c'était certes presque contre son gré, mais
c'était exactement ce qu'il souhaitait entendre, ce qu'il avait besoin
d'entendre à cet instant précis. Ce "Je t'aime" quasiment
contraint était pourtant pour lui la plus belle des déclarations
qu'il avait jamais reçues. Enfin c'était officiel. Laly l'aimait.
Mieux, Laly lui avait dit clairement qu'elle l'aimait, elle avait enfin prononcé
ces paroles tant espérées et si précieuses.
Et Stéphane en avait aussitôt oublié ses projets de retour
en métropole. Il ne pouvait plus partir, plus maintenant, plus depuis
que Laly lui avait avoué avoir besoin de lui. Que Diego aussi avait besoin
de sa présence, et c'était peut-être ce qui lui avait réellement
fait changer d'avis.
A l'évocation de ce petit garçon, une vague de tendresse incroyable
l'envahit. C'était une banalité de dire qu'il aimait Diego comme
son propre fils, mais c'était ce qu'il ressentait réellement.
Depuis la venue au monde de ce bébé, il avait la merveilleuse
sensation d'avoir enfin trouvé un sens à sa vie, il se sentait
enfin utile. Indispensable même.
Et ce sentiment, ces sentiments si forts, lui avaient donné la force
de supporter cette vie de moine auprès de Laly, cette vie infernale qu'il
avait choisie à ce moment-là.
Pour Diego et pour Laly.
Parce qu'il les aimait, tout simplement.
Parce qu'il l'aimait, elle, Laly, sa Laly.
Cause
you, you're walking on the edge
You, you choose the way of love and pain
You, don't you see the bridge I've built for you
It's just one step to start again
«
- Je l'aime, alors je suis fort.
- Tu ne serais pas un peu maso ?
- Je n'ai pas le choix. Je pourrais partir, habiter ailleurs, mais je ne la
verrais plus tous les matins, et je serais encore un peu plus malheureux. Je
reconnais, elle n'est pas très gentille avec moi, elle abuse peut-être,
mais j'ai au moins la chance de partager un peu sa vie.
- Tu es romantique ...
- Romantique par force, on va dire ça comme ça. »
Stéphane esquissa
un sourire amer. Cette conversation qu'ils avaient eue un jour avec Jimmy illustrait
parfaitement ce que ses amis percevaient de cette relation. Il passait pour
un lâche aux yeux du monde, il le savait, et ce n'était pas très
glorieux. Mais c'était comme s'il avait abandonné sa fierté
d'homme, d'être humain, le jour où il avait admis ses sentiments
pour Laly. Il avait accepté de s'abaisser ainsi, d'envisager d'être
triste et malheureux jusqu'à la fin de sa vie peut-être. Juste
par amour.
Il n'avait pas le choix, ou plutôt c'était son choix mûrement
réfléchi, et peu lui importait finalement si personne ne l'approuvait
ni même le comprenait.
Pour elle, pour Laly, parce qu'il avait tellement peur de la perdre, il se croyait
capable de supporter tous les sacrifices, se taire indéfiniment et recevoir
les quelques miettes qu'elle voulait bien lui donner.
Cette situation honteuse, peu enviable, était encore pour lui préférable
au néant. C'était mieux que rien.
Car malgré tout, malgré ce qu'elle lui faisait subir depuis des
années, elle l'aimait à sa façon, parfois cruelle, parfois
injuste, parfois tellement touchante …
C'était son caractère, sa particularité, son unicité.
Elle n'en était que plus désirable à ses yeux.
Et il pensait sincèrement que sa patience, son dévouement et son
amour infini parviendraient à apprivoiser sa belle Brésilienne.
C'était tout ce qu'il avait à lui offrir. C'était sa façon
d'aimer, tout simplement.
Confiant, il était prêt à lui laisser tout son temps pour
faire évoluer leur relation selon son bon vouloir.
Jusqu'à ce jour où tous ses espoirs s'étaient irrémédiablement
écroulés ...
Welcome
to a trip
Into my emotions
To the language of my heart
You're sailing on a river
That becomes an ocean
Which you can only cross with love
"Je
vais téléphoner à Sébastien ..."
Stéphane serra rageusement le verre à moitié vide tandis
que cette phrase d'apparence complètement anodine raisonnait cruellement
dans sa tête.
Sébastien ...
Le grand amour de Laly.
Celui qui l'avait tellement faite souffrir lorsqu'il l'avait quittée
pour une autre femme plusieurs années auparavant.
Cet homme qu'elle adorait plus qu'elle-même et qu'elle avait pourtant
laissé partir pour permettre son bonheur avec cette Aline qu'il avait
préférée.
Cet homme qu'elle n'avait jamais pu totalement oublier malgré les années
écoulées, malgré Antonio avec qui elle avait eu un enfant,
et malgré lui-même, pauvre petit Stéphane si dévoué
et si patient.
Si naïf, devrait-il plutôt dire.
Dans un geste de rage difficilement contenue, Stéphane resserra encore
sa pression sur le verre, au point que ses doigts lui faisaient mal. Mais il
s'en fichait, cette douleur physique n'était rien comparée à
la souffrance mentale qu'il endurait depuis des mois, et plus encore depuis
ce moment terrible où Laly lui avait annoncé avoir demandé
à Christian les coordonnées de Sébastien, d'un ton tellement
innocent et naturel qu'il en avait eu la nausée.
Comment pouvait-elle se le permettre ? Comptait-il si peu à ses yeux
pour qu'elle agisse ainsi avec lui ? Qui était-il pour supporter ça
? Un esclave tout juste bon à s'occuper de Diego ? N'avait-il pas des
sentiments lui aussi ? Pourquoi lui infliger cette souffrance immense, à
quoi bon ? Etait-elle si cruelle ? Etait-elle un monstre machiavélique
pour lui avoir donné de faux espoirs ? Lui avoir laissé miroiter
un semblant de vie de couple en lui permettant de partager son lit ? Lui avoir
laissé entendre qu'elle l'aimait pour mieux le trahir ensuite ?
Avait-il pu se tromper à ce point sur la femme qu'il adorait, certes
peut-être aveuglément ?
Avait-il pu se tromper tout simplement sur lui-même ?
Toutes ces questions sans réponse acceptable tourbillonnaient sans fin
dans sa tête, il lui semblait devenir fou de douleur et d'incompréhension.
Et il avait envie de se révolter, de hurler enfin sa colère et
son amour au monde entier, hurler que lui aussi existait, que lui aussi avait
droit au respect et au bonheur ... Qu'il n'était pas un objet dont on
dispose selon sa volonté ... Que Laly n'avait pas le droit de jouer de
la sorte avec ses sentiments ... De jouer avec son existence ...
Ces mots lui brûlaient constamment les lèvres, menaçaient
de jaillir à tout moment, presque malgré lui, pour le libérer
d'un poids devenu trop lourd à porter.
Mais les prononcer était tout simplement inenvisageable.
Car il risquait de tout perdre en laissant éclater sa rage. Perdre le
peu de choses auxquelles il pouvait encore se raccrocher.
Cette tendresse, à défaut d'amour véritable, que Laly pouvait
manifester par moments à son égard.
L'affection de Diego, si importante à ses yeux et à laquelle il
tenait tant.
Ceux qu'il considérait comme sa femme et son fils. Son unique famille.
C'était étrangement tant et si peu à la fois.
C'était toute sa vie, ses biens les plus précieux, et ne plus
les voir reviendrait à mourir.
Cela pouvait-il justifier sa lâcheté ? Cela en valait-il vraiment
la peine ?
Tout au fond de lui, il connaissait déjà la réponse …
For
you, life is just like chess
If you don't make the move
You'll lose the game like this
Stéphane
posa son verre vide dans l'évier et jeta un oeil à l'horloge murale.
03h20. Il était largement temps de rentrer se coucher, même s'il
savait pertinemment qu'il ne parviendrait pas à trouver le sommeil. Virer
et tourner inlassablement dans son lit jusqu'au lever du jour n'était
pas une perspective particulièrement engageante. Mais rester debout à
tourner en rond en vidant la bouteille de lait ne servait à rien non
plus. Et surtout, si Laly se réveillait inopinément et ne le trouvait
pas à ses côtés, elle ne manquerait pas de lui poser des
questions embarrassantes auxquelles il savait très bien ne pas pouvoir
mentir pendant très longtemps.
Le jeune homme refit donc le chemin en sens inverse, lentement, pesamment, presque
à reculons. Il chercha même à gagner encore un peu de temps
en passant encore une fois dans la chambre de Diego pour effectuer la même
petite vérification d'usage. Le petit garçon n'avait pas bougé
d'un pouce, semblant plongé dans des rêves bien agréables
au vu du doux sourire qui illuminait son visage poupon. Stéphane ne put
s'empêcher d'éprouver une sorte de jalousie fugace en le voyant
si paisiblement endormi, enviant malgré lui cette enfance tranquille,
encore épargnée par les soucis incessants qui polluaient sa propre
vie d'adulte. Que n'aurait-il pas donné pour être à sa place
à ce moment-même, pour profiter ne serait-ce qu'un instant de cette
insouciance tant désirée ...
Stéphane fronça violemment les sourcils en réalisant jusqu'où
ses pensées torturées pouvaient le mener, et il referma à
nouveau le battant délicatement. Sans faire plus de bruit, il rentra
dans sa propre chambre mais s'arrêta sur le pas de la porte, hésitant.
Et pour la troisième fois de la soirée, il s'autorisa à
regarder Laly dormir, appuyé contre le chambranle, silencieux, immobile,
comme hypnotisé, oublieux de tout ce qui n'était pas cette jeune
femme dont il était si follement et si désespérément
amoureux. Il resta ainsi longtemps, très longtemps, observant longuement
chaque courbe de ce corps si féminin dessinée par le léger
drap blanc, apprenant par cœur chaque mimique de son visage, profitant
de ce moment privilégié comme si ce devait être le dernier.
Et elle était si belle, si désirable abandonnée ainsi qu'il
ne put tenir et qu'il finit par s'approcher du lit très lentement. Dans
un geste d'une infinie tendresse, il caressa doucement les fins cheveux blonds,
prolongeant son mouvement jusqu'à sa joue sur laquelle il laissa glisser
amoureusement le bout de ses doigts. Et mû par une impulsion soudaine,
il se pencha vers le visage aimé pour déposer un baiser furtif
sur les lèvres de son Aurore si délicieusement endormie. Laly
poussa un petit grognement et se retourna de l'autre côté avec
un geste de mauvaise humeur pour chasser l'importun qui osait troubler ainsi
son sommeil.
Désabusé, les larmes aux yeux, Stéphane ôta ses tongs
et se recoucha le plus doucement qu'il put, tournant tristement le dos à
celle dont il partageait si vainement les nuits ...
Cause
you, you're walking on the edge
You, you choose the way of love and pain
You, don't you see the bridge I've built for you
It's just one step to start again
FIN