Titre : Grands-Pères
Auteur : Sayana
Base : Gundam Wing
Genre : concours de fic, sûrement OOC par moments
Couples : J&G !!! mention de 1&2
Avertissement : l’idée de ce concours saugrenu est venue
de Kineko qui a lancé sur son forum ce sujet : "Ecrire une fanfic
courte développant la relation (passé, présente ou future)
entre G et J". Sur le coup, je me suis dit que Kineko était un peu
tombée sur la tête pour lancer un tel concours et puis je me suis
prise au jeu et j’ai pondu cette petite histoire. Ne partez pas en courant
avant de l’avoir lue en entier ^^ et n’hésitez pas à
me dire ce que vous en pensez.
Disclaimer : tous les personnages de GW appartiennent à leur respecté
propriétaire, surtout J et G, et c’est tant mieux paske de toute
façon, même si on me donnait les deux profs, je ne suis pas sûre
que j’en voudrais ^^.
Voilà, bonne lecture !
Grands-Pères
Le
vieil homme était allongé sur son lit d’hôpital, sa
frêle silhouette blanche se distinguant à peine sur les draps immaculés.
Nul n’aurait pu dire en fait quel était son âge véritable,
ni s’il était aussi vieux qu’il le paraissait, tant il semblait
marqué par les épreuves qu’il avait visiblement subies dans
sa vie. Son corps rongé, affaibli, daignait à peine lui obéir
désormais, au prix d’efforts considérables.
L’homme sentait sa fin s’approcher inexorablement et maudissait
intérieurement les infirmières qui lui témoignaient trop
ouvertement leur compassion.
Il souhaitait mourir, tout simplement, plus rien ne le rattachant maintenant
à cette vie si pénible pour ceux qui ont tout perdu.
La porte s’entrebâilla doucement, dévoilant un homme très
petit, presque rabougri, à la volumineuse chevelure grisonnante et doté
d’un nez plutôt envahissant.
Le nouvel arrivant sembla hésiter un instant sur le seuil, se demandant
visiblement s’il devait réveiller le malade qui paraissait profondément
endormi. Mais celui-ci avait apparemment entendu le raclement familier de la
porte qui s’ouvrait et fit un léger signe de sa main droite valide
pour l’inviter à entrer.
Le petit homme s’avança presque timidement vers le centre de la
pièce, prit une chaise et s’assit sans dire un mot tout près
du lit. Il observa quelques secondes le vieillard alité, jaugeant son
état le plus discrètement possible. Mais le résultat pitoyable
fit s’assombrir davantage encore son visage déjà inquiet
à son arrivée et il ne put résister à l’envie
de saisir la main pâle et glacée, qu’il serra chaleureusement.
Le silence perdura encore un long moment avant que le visiteur, se rappelant
probablement les raisons de sa présence dans cette sinistre chambre d’hôpital,
ne se décide à murmurer doucement :
- J’ai une bonne nouvelle à t’annoncer. Ils ont enfin réussi.
Le malade sursauta
faiblement, visiblement très surpris, mais son visage s’illumina
progressivement d’un petit sourire plein de tendresse.
- Je ne pensais pas
qu’ils le feraient vraiment, songea t-il à mi-voix, insistant avec
affection sur le pronom. Puis tournant légèrement la tête
vers son ami, un pli soucieux barrant son front :
- Comment l’as
tu appris ? Ce sont eux qui te l’ont dit ?
Le visiteur sentit
son coeur se serrer sous l’intonation pleine d’espoir de la question.
Il s’en voulut de devoir briser ainsi cette illusion mais il ne voulait
pas lui mentir.
- Bien sûr que
non. Je l’ai seulement appris par hasard. Ils ne voulaient probablement
pas qu’on le sache.
Dans la bouche du
petit homme, le pronom sonna cette fois-ci avec remontrance et amertume. Le
patient s’en aperçut et le réprimanda calmement :
- Ne leur en veux
pas, G, ils ont leurs raisons.
Le dénommé
G ne fut pas dupe du ton résigné de son compagnon. Il avait très
bien remarqué l’expression malheureuse qui avait altéré
les traits déjà épuisés du malade et il ne put s’empêcher
de chuchoter avec un léger reproche dans la voix :
- J ...
Mais celui-ci semblait
maintenant plongé dans une douloureuse rêverie, dont G connaissait
parfaitement la teneur. En effet, chacune de leurs discussions les ramenait
toujours immanquablement à leurs « protégés ».
Durant la guerre,
Heero et Duo s’étaient profondément liés au point
d’envisager la vie commune une fois la paix établie. Leurs mentors
respectifs avaient vu d’un très mauvais oeil cette union qu’ils
mettaient sur le compte de leur jeune âge et de leur inexpérience
en matière d’amour. Duo s’était alors vivement emporté
devant cette réprobation :
- Vous avez déjà
ruiné notre jeunesse en faisant de nous des terroristes et des assassins.
Nous ne vous laisserons pas gâcher aussi le reste de notre vie.
Chaque mot prononcé
par l’Américain s’était enfoncé comme un poignard
dans le coeur de G, qui n’avait pourtant rien laissé paraître
de sa déception. Il s’était tourné vers J, guettant
et redoutant sa réaction. Mais celui-ci s’était contenté
de regarder fixement son élève et de lui demander froidement :
- Heero ?
L’interpellé
n’avait même pas cillé sous le ton accusateur de son mentor.
Mieux même, il lui avait retourné un regard plus glacial encore.
Il s’était saisi maladroitement de la main de Duo tout proche de
lui.
- J’ai décidé
de suivre enfin mes émotions.
Il avait semblé
à G apercevoir furtivement une ombre de déception et de résignation
passer sur le visage du professeur, mais une telle démonstration même
fugitive de sentiments ressemblait tellement peu à J qu’il pensa
avoir rêvé.
Toujours main dans la main, Duo avait tiré doucement Heero à lui
et tous deux avaient quitté la pièce sans même un regard
en arrière, tournant définitivement le dos à leur passé
guerrier.
Cela s’était
passé presque dix ans auparavant et aucun des deux scientifiques ne les
avait jamais revus. Ils avaient bien des nouvelles indirectes de temps en temps,
mais seulement par ouï-dire. Tous deux souffraient de cette situation même
s’ils ne l’évoquaient pas ouvertement, par pudeur mais surtout
par principe.
Quelques mois
plus tôt, G avait appris par hasard qu’Heero et Duo souhaitaient
adopter un enfant pour concrétiser leur amour. Et voilà qu’aujourd’hui,
après maints efforts, leur désir le plus cher allait enfin se
réaliser. Malgré leur passé difficile, les deux jeunes
hommes pouvaient maintenant fonder une famille. Et réussir là
où eux-même avaient échoué.
- Non, c’est
faux, nous n’avons pas totalement échoué.
J tiqua de nouveau
et scruta curieusement G, se demandant comment son ami avait pu lire ainsi dans
son âme.
- Tu as parlé
à haute voix, expliqua celui-ci avec un petit sourire amusé devant
l’interrogation muette mais perplexe de J.
Tous deux se regardèrent
fixement durant un temps interminable, échangeant silencieusement nombre
de sentiments contradictoires pour lesquels la parole était superflue.
G ressentit à ce moment-là toute la détresse qui habitait
J.
Ce dernier, après bien des hésitations, finit par déclarer
amèrement :
- Je ne vois pas ce
que nous avons pu faire de bien dans notre vie.
G sentit son coeur
se serrer une nouvelle fois sous le ton désabusé de son ami.
- C’est vrai,
notre passé n’est pas très glorieux. Durant toutes ces années,
nous n’avons vécu que pour le combat et les Gundams. Chacune de
nos pensées, chacun de nos actes était guidés par et pour
la guerre. Rien dans notre comportement n’était spontané
ou naturel. Nous n’étions alors pas vraiment nous-mêmes.
Et pourtant, nous avons réussi à élever deux enfants.
La voix de G s’était
teintée d’affection en formulant cette dernière phrase.
Mais J tempéra aussitôt ce bref éclair de tendresse en lui
rappelant le plus durement qu’il put :
- Tu as fait de Duo
l’Assassin Parfait et grâce ou plutôt à cause de moi,
Heero est devenu le Soldat Parfait. Crois-tu que ce soit vraiment cela, élever
des enfants ?
G secoua la tête,
la mine sombre.
- Bien sûr sur
non. Seulement, en leur enseignant tout cela, nous leur avons simplement appris
à survivre dans ce monde cruel, pas à y vivre. Cela, ils l’ont
découvert ensemble. Donc même s’ils estiment que nous avons
saboté leur vie, ils nous sont au moins redevables d’une chose
: leur rencontre.
Il sourit en prononçant
ces mots. Lui-même ne croyait que très peu à ce qu’il
venait d’exposer, mais il voulait à tout prix remonter le moral
de son ami.
- Merci.
Ce fut au tour de
G de tressaillir devant l’accent chaleureux qu’avait pris J pour
énoncer ce simple terme.
- Pourquoi ce remerciement
?
- Parce que
même si tu n’y crois pas, tu essayes de me convaincre que je n’ai
pas gâché ma vie et encore moins celle des autres.
G s’assombrit
de nouveau en entendant le ton désabusé de J et resserra sa pression
sur les doigts gelés du professeur. Celui-ci fixait à présent
le plafond, semblant perdu dans de profondes pensées. Il se mit pourtant
à parler à mi-voix :
- Je sens que je n’ai
plus très longtemps à vivre. Je suis tellement fatigué,
tellement las ... Tu dois être un peu surpris de m’entendre te faire
ce genre de confidences. Cela ne me ressemble pas vraiment, en fait. Mais tu
sais, je ne suis pas aussi dur et insensible que je le laisse paraître.
Seulement, on m’a toujours appris que faire preuve de sentiments était
une marque de faiblesse. Et je ne l’ai que trop expérimenté.
Ressentir des émotions, c’est être humain, et l’homme
est faible par nature. En effaçant les sentiments, on supprime une source
principale de faiblesse. C’est ce que je me suis toujours forcé
à enseigner à Heero durant toutes ces années. Je ne cessais
de le lui répéter mais celui que je voulais convaincre avant tout,
c’était moi. Moi qui ne pouvais m’empêcher de souffrir
devant les tortures infligées à Heero pendant son entraînement
tellement inhumain. Moi qui tremblais chaque fois que mon fils - oui, Heero
que j’ai toujours considéré comme mon enfant sans avoir
jamais pu le lui avouer - chaque fois que mon fils partait en mission. Moi qui
n’ai jamais eut le droit d’aimer mais dont le coeur vibrait et se
serrait à la simple mention d’un nom, d’un seul.
Il n’eut pas
besoin de citer ce nom à l’évocation si douloureuse, la
pression chaleureuse et sa douce caresse sur les doigts de G suffisaient à
transmettre toute cette affection, tout cet amour trop longtemps refoulés.
G sentit une agréable chaleur s’emparer de lui, partant de la chaude
pression sur sa main et inondant progressivement chaque parcelle de son corps
et de son coeur. Il lui rendit une étreinte plus douce encore, signifiant
par-là qu’il avait compris l’allusion muette, et que mieux
même il partageait des sentiments identiques, tus probablement pour de
semblables raisons. Ce léger frôlement toucha J à un point
tel qu’il ne put reprendre la parole qu’après avoir lutté
pour calmer les battements désordonnés de son coeur.
- Je me suis toujours
efforcé de cacher mes émotions comme on me l’avait appris.
Je ne me suis jamais permis le moindre geste d’affection envers Heero.
Ou envers toi. Surtout envers toi. Je ne m’en sentais pas le droit. Et
pourtant, j’aurais donné tout ce que j’avais pour te prendre
simplement la main comme tu le fais en ce moment. Cette douce chaleur qui m’a
envahi à ce seul contact me fait prendre conscience de tout ce que j’ai
raté dans ma vie. Je commence seulement à entrevoir ce bonheur
que j’aurais pu partager avec toi. Heero a su découvrir cette félicité
auprès de ton protégé et ils ont toute la vie devant eux
pour en profiter. Mais pour moi, pour nous, je crains qu’il ne soit bien
trop tard ...
- Il n’est
jamais trop tard, l’interrompit G. Nous n’avons peut-être
pas pu vivre la vie que nous aurions souhaitée mais nous n’avons
pas tout perdu. Tu considères Heero comme ton fils et je ressens la même
chose pour Duo. Ce bébé qu’ils ont adopté est le
fruit de leur amour et un peu du nôtre. Cet enfant nous lie à jamais,
il est le trait d’union entre nos deux familles. Tu te rends compte de
ce que cela veut dire, nous allons être grands-pères.
- Grands-pères
... répéta songeusement J tandis qu’une larme roulait sur
sa joue.
Intensément ému par la déclaration de son compagnon et
par la sérénité qu’il lisait à présent
sur son visage, G porta à ses lèvres la main qu’il serrait
toujours précieusement et déposa un tendre baiser sur les doigts
horriblement glacés. Il sentit la faible pression se resserrer brièvement
sur ses propres doigts avant que l’étreinte ne se relâche
à jamais.
FIN